20100901

Quan quan thư cưu



« Quan quan thu cuu... »
Ces mots me font penser à ma grand-mère maternelle (1903 Vietnam - 1985 Thiais).

Années 1960-1970, Sud-Vietnam.
Elle habitait au fond d’une ruelle transversale à la rue Cach Mang 1-11-63, Gia Dinh.
Lorsque nous étions petits, chaque fois que nous venions chez nos grands-parents, je m’émerveillais devant un grand arbre qui donnait de gros fruits à piquants : c’était le jaquier !!!
Grand-père était à l'intérieur, dans sa "barricade" de portes et fenêtres couvertes de maillage métallique fin. Était-ce pour protéger sa maison de mouches et de microbes? Nous n’osions pas lui parler. Il était malade, de mauvaise humeur, et fut décédé peu de temps après. C’était un ingénieur chimiste ayant fait des études à Bordeaux.
Un de ses fils est ensuite parti en stage post-universitaire à Milan. Notre oncle nous envoyait de merveilleuses cartes postales d'Europe. A Noël, il écrivait "Buon Natal " à T.A.N.T.L.A., ses neveux et nièces (nos initiales).
Ma grand-mère a fait cloisonner sa maison en deux, et a mis à louer la partie de devant, à des Américains. Elle a sans doute dû faire abattre son fameux jaquier, pour gagner de la place !

AVRIL 75.
Le "sauve-qui-peut" dans tout le Sud-Vietnam.
Elle a pu s’enfuir, embarquée avec la famille de son autre fils, l’oncle Vân. Destination : l'océan …

Comme il y a eu des représailles dans le Nord, les personnes qui ont pu s’enfuir vers le Sud, eurent très peur devant l’avancée des soldats nordistes dans le Sud. De surcroît, louer sa maison à des « impérialistes » américains ! Il y avait de quoi s’effrayer.
Finalement, elle a été recueillie chez mes parents, en France.
(Nous avons pu fuir la guerre et arriver en France quelques années plus tôt).
Comme tout réfugié, elle devait apprendre à s’exprimer en français, et se répétait des mots comme « sucre, sel, poivre… ».
Elle a réussi son examen de passage.
Elle était fille unique, orpheline de père à 10 ans, de nature hésitante, effacée et craignait beaucoup son mari. Se trouvait - elle   plus en sécurité ici, dans son pays d'accueil, dans un nouvel environnement ?
Un jour, dans la petite cuisine du 1er étage, d’ où nous avions vue sur l’avenue Cousins de Méricourt, face à un magnifique magnolia qui fleurissait tous les printemps, elle a récité à sa petite-fille les 16 mots d’une autre langue qu’elle a appris par cœur dans sa jeunesse :
« Quan quan thư cưu...tại hà chi châu...yểu điệu thục nữ...quân tử hảo cầu »...

Je retrouve aujourd'hui ces mots sur Facebook, traduits en vietnamien par Minh Ngoc. J’apprends que ce texte se trouve dans le livre des odes chinois. Je repense à ma grand-mère dans son enfance. Je retrouve aussi les photos de son village natal, également sur Facebook !
Je l'imagine avec son précepteur quelque part dans ce village, elle a dû connaître tous ces endroits pris sur la photo, la rivière Ninh Co, la pagode Keo, la mare, le temple, les fêtes... son père étant un bienfaiteur du village, ayant contribué à des travaux d'embellissement de ce fameux village Hành Thiên, de la province de Nam Dinh, qui vu du ciel, a la forme d'une carpe !!!

"quan quan thư cưu... "
2 oiseaux sont en train de chanter sur le bord de la rivière,
la jeune fille est gracieuse,
un jeune homme de bien la demande en mariage …



đôi chim mê mải
đua hót bờ sông
em là con gái
lấy anh làm chồng

... ( Minh Ngoc dịch từ Kinh Thi "quan quan thư cưu...tại hà chi châu...yểu điệu thục nữ...quân tử hảo cầu")

Étonnant non ?
M.A. 28-08-2010

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